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Chirurgie bariatique

Publié le  Lecture 12 mins

La SOS Study trente ans après - Validation à très long terme de la chirurgie bariatrique

Jean-Louis SCHLIENGER, Faculté de médecine, Université de Strasbourg

À partir des années 1980, l’obésité n’est plus considérée comme une disgrâce, mais comme une authentique maladie chronique responsable d’une sur morbi-mortalité que seule une perte de poids intentionnelle et durable parvient à empêcher. C’est à la faveur de ce changement de paradigme que la chirurgie de l’obésité, dite bariatrique, a connu un essor aussi extraordinaire qu’imprévisible après quelques faux pas commis par d’audacieux pionniers qui ont failli la discréditer du fait de complications qui étaient souvent pires que le mal. La SOS Study (Swedish Obese Subjects) est l’étude fondatrice qui a convaincu les plus réticents de la pertinence de l’option chirurgicale dans la stratégie de prise en charge de l’obésité. Poursuivie depuis plus de trente ans, cette étude prospective s’est imposée comme une source inépuisable de données prouvant de façon indiscutable l’efficience de la chirurgie bariatrique.

L’emblématique SOS Study Avant la SOS Study, conçue en 1987, aucune étude d’intervention prospective ayant la mortalité et les complications liées à l’obésité pour critère de jugement principal n’avait été entreprise chez des sujets obèses. L’étude SOS, toujours en cours, est emblématique par sa méthode, par l’ampleur de l’échantillon et par sa durée, et parce qu’elle répond à l’essentiel des questions que peut légitimement poser le recours à un traitement invasif pour une affection médicale chronique. Elle résume à elle seule les résultats de nombreuses autres études ayant exploré les avantages et les inconvénients de la chirurgie bariatrique de façon moins globale et sur des populations plus restreintes. Cette étude prospective et contrôlée a été menée chez 2 010 sujets obèses ayant choisi de subir une intervention de chirurgie bariatrique et chez 2 037 sujets obèses traités de façon conventionnelle, recrutés respectivement dans 25 services chirurgicaux et 480 centres de soins de santé primaires suédois entre septembre 1987 et janvier 2001 (1). Les témoins ont été sélectionnés à l’aide d’un algorithme d’appariement, de telle sorte que les valeurs moyennes des variables correspondantes dans le groupe témoin étaient comparables à celles du groupe chirurgical selon une méthode d’assignation séquentielle du traitement (sexe, âge, IMC, tour de taille, pression artérielle systolique, cholestérolémie, triglycéridémie, diabète, statut ménopausique, consommation de tabac, variables psychosociales, risque de décès, traits de personnalité liés au choix du traitement chirurgical ou conventionnel, etc.). Les critères d’inclusion étaient identiques pour les deux groupes : âge de 37 à 60 ans et IMC > 34 kg/m 2 chez les hommes et > 38 kg/m 2 chez les femmes. Les critères d’exclusion étaient une chirurgie gastrique ou bariatrique antérieure, une néoplasie au cours des 5 années précédentes, des troubles du comportement alimentaire, des addictions et des problèmes psychiatriques. Plusieurs techniques de chirurgie bariatrique ont été utilisées : pose d’un anneau gastrique (n = 376), gastroplastie verticale bandée (n = 1 369), by-pass gastrique (n = 265). Un suivi clinique et biologique standardisé a été réalisé chez tous les sujets (6 mois, 1, 2, 3, 4, 6, 8, 10, 15 et 20 ans après l’appariement). La SOS Study avait la mortalité pour critère d’évaluation principal ; l’incidence des événements cardiovasculaires et l’évolution du diabète de type 2 étaient les critères d’évaluation secondaires. Limites de la SOS Study La principale limite de l’étude SOS tient au fait qu’il s’agit d’un essai apparié et non d’un essai randomisé. À l’inclusion les patients ayant accepté la chirurgie sont moins âgés (48,6 vs 50,5 ans), ont un IMC plus élevé (42,4 vs 40,1 kg/m 2), une adiposité abdominale plus marquée, une insulinémie à jeun plus élevée et un niveau d’éducation moindre que dans le groupe témoin. La perte de poids moyen était de 27,5 kg à 2 ans et de 22,7 kg à 10 ans dans le groupe chirurgie vs respectivement 3,2 kg et 4,8 kg chez les patients du groupe prise en charge conventionnelle. L’hétérogénéité des procédures chirurgicales et le recours limité à la voie laparoscopique sont un autre point faible de cette étude. 2007 : premiers résultats en faveur de la chirurgie Les premiers résultats à 10 ans sont globalement en faveur du traitement chirurgical de l’obésité (2). La perte de poids moyenne était de 27,5 kg à 2 ans et de 22,7 kg à 10 ans dans le groupe chirurgie vs respectivement 3,2 kg et 4,8 kg chez les patients du groupe traité conventionnellement. La perte de poids est stabilisée à 25 % du poids initial dans le groupe by-pass, à 16 % dans le groupe gastroplastie et à 14 % dans le groupe anneau gastrique avec une perte maximale observée après 1 à 2 ans alors que dans le groupe témoin elle est de l’ordre de ± 2 %. La réduction autodéclarée de l’apport énergétique aux dépens des lipides et au profit des glucides ou des protéines au cours des 6 premiers mois postopératoires était associée à une plus grande perte de poids sur 10 ans (3). Objectif principal : la mortalité La réduction de la mortalité globale ajustée selon le sexe, l’âge et les facteurs de risque était de 30,7 % (p = 0,010 2), les causes de décès les plus fréquentes étant l’infarctus du myocarde (témoins n = 25, chirurgie n = 13) et le cancer (47/29). Toutefois, les décès précoces recensés au cours des 90 jours postopératoires étaient plus élevés dans le groupe chirurgie (0,2 %) et 2,9 % des patients ont subi une ou plusieurs nouvelles interventions en raison de complications directement imputables au geste chirurgical (2) (figure 1). Une étude de cohorte rétrospective publiée dans la même livraison que les résultats de la SOS Study qui comparait la mortalité de témoins obèses appariés à celle des patients ayant subi un by-pass confirme la réduction de la mortalité toutes causes de l’ordre de 40 % après chirurgie ainsi qu’une diminution de la prévalence/incidence du diabète de 92 %, des coronaropathies de 56 % et du cancer de 60 % (4). Ces résultats contredisent quelques-uns des arguments opposés aux partisans de la chirurgie bariatrique : 1) la chirurgie bariatrique n’est pas grevée d’une mortalité rédhibitoire ; 2) la perte de poids importante n’accroît pas la mortalité contrairement à ce qu’avaient suggéré quelques études épidémiologiques ; 3) la chirurgie bariatrique est une approche thérapeutique de l’obésité qui peut être envisagée avant d’attendre l’échec des traitements conventionnels. La mortalité postopératoire précoce et les complications doivent être nuancées par le fait que 9 interventions sur 10 avaient été réalisées « ventre ouvert » puisque les techniques laparoscopiques étaient encore en phase de développement au début de l’étude. Les complications non mortelles (14,5 % au cours des 90 premiers jours) étaient dominées par des complications pulmonaires, des fuites anastomotiques, des hémorragies et des infections de paroi. Une réintervention précoce a été nécessaire chez 2,9 % des patients. Bénéfice cardiovasculaire La SOS Study est la première étude prospective à avoir montré que la chirurgie bariatrique est associée à une réduction du nombre de décès et d’évènements cardiovasculaires (infarctus du myocarde ou AVC). Tous les facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels, exception faite de l’hypercholestérolémie, ont été améliorés. Le bénéfice était plus marqué chez les sujets présentant une hyperinsulinémie à jeun (p 0,001). La réduction de l’incidence de l’IDM était particulièrement importante chez les sujets diabétiques de la cohorte (5,6). Rémission du diabète La rémission précoce du diabète de type 2 a été rapportée dans de nombreuses études à tel point que l’option chirurgicale a été envisagée par certains comme le traitement du DT2, mais peu d’études ont fourni des résultats à moyen ou à long terme. Lors de l’inclusion dans la SOS Study, 260 des sujets témoins et 343 des sujets opérés avaient un diabète de type 2. Le suivi médical et biologique et la consultation des registres nationaux suédois dont la qualité est légendaire ont permis de se faire une opinion objective sur l’impact de la chirurgie bariatrique sur l’évolution du diabète et l’incidence des complications micro- et macrovasculaires bien que le taux de participation se soit amenuisé au fil des années (90 et 81 % à 2 ans respectivement chez les opérés et chez les témoins, 76 et 58 % à 10 ans et 47 et 41 % à 15 ans), le taux de rémission du diabète était 72,3 % (66,9 %- 77,2 % ; n = 219/303) chez les sujets opérés contre 16,4 % (11,7 %-22,2 % ; n = 34/207) chez les sujets soit un odds ratio de 13,3 (8,5-20,7 ; p 0,001). Après 15 ans, le taux de rémission a diminué à 30,4 % (35/115) chez les sujets opérés et à 6,5 % (4/62) chez les témoins avec un OR de 6,3 (2,1-18,9 ; p 0,001). Durant la même période, l’incidence cumulée des complications microvasculaires était de 20,6 pour 1 000 personnes-années (17,0-24,9) chez les sujets opérés et de 41,8 pour 1 000 personnes-années (35,3-49,5) chez les témoins avec un risque relatif (RR) de 0,44 (0,34-0,56 ; p 0,001). Il existe une interaction significative entre le statut glycémique initial et l’effet du traitement (p = 0,000 3) (2). La réduction du risque relatif était plus importante chez les sujets présentant un prédiabète initial que chez ceux dont le diabète a été diagnostiqué par un dépistage et enfin chez ceux dont le diabète était connu à l’inclusion, ce qui suggère que le prédiabète gagne à être traité de façon incisive (7). Ces résultats suggèrent que le prédiabète doit être traité de manière agressive pour prévenir de futurs événements microvasculaires (figure 2). Des complications macro-vasculaires ont été observées chez 31,7 pour 1 000 personnes-années (27,0-37,2) chez les sujets opérés et chez 44,2 pour 1 000 personnes-années (37,5-52,1) chez les témoins soit un RR = 0,68 (0,54- 0,85 ; p = 0,001). Dans cette étude observationnelle à très long terme, comme dans d’autres de moindre ampleur et de moindre durée, la chirurgie bariatrique est associée à une rémission du diabète plus fréquente et à moins de complications spécifiques par rapport à une prise en charge conventionnelle de l’obésité sévère (8,9). Prévention du diabète La chirurgie bariatrique réduit l’incidence des nouveaux cas de diabète de 96 %, 84 % et 78 % après 2, 10 et 15 ans (10). Le nombre de sujets à traiter (NST) pour prévenir 1 cas de diabète sur 10 ans est de 1,3 chez les patients ayant une dysglycémie contre 7,0 chez les patients ayant une glycémie à jeun normale (p 0,05). Ces résultats confirmés par d’autres études incitent à envisager la chirurgie bariatrique comme une option indiquée aussi bien chez les obèses ayant un diabète avéré que chez les sujets obèses à risque de diabète. Autres effets de la chirurgie bariatrique Diminution de l’incidence du cancer Dans la cohorte de la SOS Study où le cancer était la cause la plus fréquente de décès, la

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